Forum mondial de l’alimentation 2022: la science, l’innovation et l’investissement au service de la transformation des systèmes alimentaires
M. Stefanos Fotiou, Directeur du Pôle de coordination des Nations Unies sur les systèmes alimentaires, livre ses réflexions personnelles sur la session plénière organisée par le Pôle dans le cadre du Forum mondial de l’alimentation 2022.
Notre participation au Forum mondial de l’alimentation 2022, qui s’est tenu récemment au siège de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) à Rome (Italie), nous a fait vivre une expérience inoubliable.
La manifestation a réuni plus de 2 000 personnes en présentiel et a été suivie en ligne par plusieurs dizaines de milliers d’autres dans le monde, afin d’examiner les moyens concrets d’améliorer la façon dont les denrées alimentaires sont produites, distribuées et consommées.
Elle a accueilli des dirigeants mondiaux et des acteurs des systèmes agroalimentaires – notamment des représentants des organismes des Nations Unies ayant leur siège à Rome, des jeunes, des petits producteurs, des représentants de peuples autochtones, des responsables politiques, des agro-investisseurs et des scientifiques –, tous réunis pour trouver des solutions à la crise alimentaire grandissante à laquelle le monde est confronté.
Au milieu de discussions passionnées sur les défis et les opportunités qui existent actuellement en matière de sécurité alimentaire mondiale, un message s’est clairement dégagé: il est urgent de changer de direction.
En conséquence, lors de cette manifestation de cinq jours, l’accent a été mis sur les moyens d’encourager les dialogues intergénérationnels et sur le partage de compétences dans les domaines de la science, de la technologie et de l’innovation, afin de faire émerger des solutions rapides et transformatrices. Une attention particulière a été accordée au rôle essentiel que peuvent jouer les jeunes en pilotant et en appuyant ces efforts.
La transformation des systèmes alimentaires au service de l’accélération de la réalisation des objectifs de développement durable
Le Pôle de coordination des Nations Unies sur les systèmes alimentaires («le Pôle») a eu le grand honneur d’organiser, dans le cadre du Forum, une session plénière sur le thème «La science, l’innovation et l’investissement au service de la transformation des systèmes alimentaires».
Le Pôle aide les pays à mettre en œuvre leurs feuilles de route nationales pour la transformation des systèmes agroalimentaires en mutualisant les ressources du système des Nations Unies et celles de la communauté scientifique, des institutions financières et des parties prenantes (femmes, jeunes, peuples autochtones, producteurs, secteur privé, etc.).
Lors de cette session, nous nous sommes intéressés au potentiel transformateur d’interventions, d’innovations et d’approches d’investissement spécifiques conçues de manière scientifique et à la façon dont elles peuvent aider les pays à mettre en œuvre leurs feuilles de route nationales et à accélérer la réalisation des objectifs du développement durable (ODD) en général.
Des responsables des systèmes agroalimentaires ont présenté des éléments probants et des réflexions montrant comment la science, l’innovation et l’investissement peuvent générer des avantages multiples sur le plan de la transformation des systèmes agroalimentaires. Nous avons aussi eu le plaisir de lancer le nouveau Comité scientifique consultatif du Pôle et de présenter les représentants des jeunes et des peuples autochtones de notre Groupe consultatif de mobilisation et de mise en réseau des parties prenantes – une étape passionnante pour le Pôle après sa création au début de cette année.
En préambule
La session s’est ouverte sur quelques remarques de la Vice-Secrétaire générale de l’Organisation des Nations Unies, Mme Amina J. Mohammed, qui a rappelé l’engagement pris par les gouvernements lors du Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires de 2021 de transformer leurs systèmes alimentaires, soulignant l’effet catalyseur qu’une telle transformation produirait sur la concrétisation de l’ensemble des ODD. Saluant les efforts déployés par le Pôle pour innover, trouver des solutions et mobiliser étroitement les jeunes et d’autres parties prenantes, la Vice-Secrétaire générale a souligné l’utilité de l’appui fourni par le Pôle pour ce qui concerne l’accès aux financements et aux investissements, l’aide technique et le développement des capacités, ainsi que l’établissement de valeurs de référence permettant de mesurer les progrès accomplis par chaque pays.
«Par l’intermédiaire du Pôle de coordination des Nations Unies sur les systèmes alimentaires, l’ONU a appuyé la transformation des systèmes alimentaires sur le terrain, en aidant et en accompagnant les pays pour leur permettre non seulement de faire face aux chocs du XXIe siècle, mais aussi de pourvoir aux besoins urgents des groupes les plus pauvres et les plus vulnérables.»
Mme Amina J. Mohammed, Vice-Secrétaire générale de l’Organisation des Nations Unies
Ensuite, le Directeur général de la FAO, M. Qu Dongyu, a décrit les changements institutionnels internes récents, qui ont culminé avec la création du Bureau des objectifs de développement durable de la FAO – un témoignage de l’engagement résolu de l’Organisation en faveur du Programme 2030. Appelant à une plus grande solidarité mondiale, il a exhorté l’ensemble des délégués à privilégier les actions globales fondées sur la science pour transformer les systèmes agroalimentaires.
«La FAO est fière d’accueillir et de soutenir le Pôle de coordination sur les systèmes alimentaires pour le compte des Nations Unies, afin de donner suite au Sommet de 2021 sur les systèmes alimentaires. Nous avons besoin de la science pour élaborer des politiques fondées sur des faits, de la jeunesse pour garantir la viabilité à long terme, et des investissements pour passer de l’intention à l’action.»
M. Qu Dongyu, Directeur général de la FAO
Dans un message vidéo, le Président du Fonds international de développement agricole (FIDA), M. Alvaro Lario, a indiqué qu’il était urgent de transformer les systèmes alimentaires en cette période de crise. Invitant les dirigeants à innover systématiquement, il a appelé à mettre fin au «financement malsain», qui fait fi des externalités et des coûts réels des systèmes alimentaires non durables.
Ces interventions ont été suivies de deux tables rondes stimulantes, qui ont souligné l’importance des investissements, de la science et de l’innovation en tant que leviers de transformation des systèmes alimentaires.
Investir dans la transformation des systèmes alimentaires
La première table ronde, «Investir dans la transformation des systèmes alimentaires», était animée par l’Économiste en chef de la FAO, M. Maximo Torero. Les intervenants étaient M. Dil Bahadur Gurung, membre de la Commission nationale de la planification du Népal, M. Stefano Gatti, Envoyé spécial pour la sécurité alimentaire en Italie, M. Nicolás Andrés Domke Venegas, représentant des jeunes pour le Groupe consultatif de mobilisation et de mise en réseau des parties prenantes du Pôle, et M. Dario Mejia Montalvo, représentant des peuples autochtones pour ce même groupe consultatif.
M. Dil Bahadur Gurung a présenté la stratégie adoptée par le Népal pour transformer ses systèmes alimentaires, notamment les efforts déployés aux niveaux infranational et national dans le cadre de la feuille de route népalaise, avec la mise en place de dispositifs budgétaires novateurs. M. Stefano Gatti a souligné qu’il était urgent d’accroître la productivité agricole de manière soutenable, insistant sur la nécessité de protéger les ressources en eau, la santé des sols et l’accès aux engrais et suggérant en outre que les institutions financières internationales mettent l’accent sur le renforcement des capacités et les financements mixtes, de façon à assurer la complémentarité entre capitaux privés et publics.
S’agissant du Groupe consultatif de mobilisation et de mise en réseau des parties prenantes du Pôle, M. Nicolás Andrés Domke Venegas s’est exprimé au nom des représentants des jeunes – aux côtés de Mmes Lucrezia Ducci et Elizabeth Mwende Mwenda; il a indiqué que la priorité de la jeunesse était d’améliorer l’éducation et de donner une plus large place à la science et à la technologie pour faire avancer la transformation des systèmes alimentaires dans le monde. M. Dario Mejia Montalvo, représentant des peuples autochtones – aux côtés de Mme Tove Søvndahl Gant et M. Geoffrey Roth – a rappelé la sagesse des peuples autochtones, faisant observer que les communautés traditionnelles ne connaissent pas la faim, et que les notions de justice y sont bien établies.
Écouter l’ensemble des intervenants de cette table ronde a été une expérience véritablement enrichissante, et j’ai été particulièrement touché d’entendre s’exprimer pour la première fois nos nouveaux représentants au sein du Groupe consultatif.
Comme le savent un grand nombre des membres de mon réseau, je suis un fervent défenseur des solutions portées par la jeunesse, qui sont à même d’accélérer la concrétisation des objectifs de développement durable. Le monde compte aujourd’hui 1,8 milliard de jeunes âgés de 10 à 24 ans – nombre qui n’avait encore jamais été atteint dans l’histoire – et près de 90 pour cent d’entre eux vivent dans des pays en développement. Ils possèdent la créativité et l’ambition voulues pour influencer positivement la durabilité future de nos systèmes alimentaires, mais pour qu’ils puissent concrétiser leurs idées, il est nécessaire de leur offrir de plus amples possibilités, accompagnées d’un soutien de haut niveau.
De même, les peuples autochtones jouent un rôle essentiel et irremplaçable en rendant nos systèmes agroalimentaires plus efficaces, plus résilients et plus durables. Ce sont les gardiens reconnus de 80 pour cent de la biodiversité mondiale restante, et le savoir traditionnel approfondi dont ils sont détenteurs peut donner plus de poids à ces efforts.
Nous sommes impatients de collaborer avec les membres de notre Groupe consultatif, pour faire en sorte que leurs précieux points de vue soient sollicités et pris en compte dans l’élaboration des politiques nationales, régionales et mondiales se rapportant à la transformation des systèmes agroalimentaires.
Le pouvoir de transformation des systèmes alimentaires porté par la science
La deuxième table ronde, consacrée au «pouvoir de transformation des systèmes alimentaires porté par la science», était animée par la Scientifique en chef de la FAO, Mme Ismahane Elouafi, laquelle a souhaité la bienvenue aux 33 éminents scientifiques qui composent le Comité scientifique consultatif du Pôle. Au nombre des intervenants de cette table ronde figuraient M. Joachim von Braun, Président de l’Académie pontificale des sciences et membre du conseil d’administration du Fonds fiduciaire mondial pour la diversité des cultures, Mme Jennifer Clapp, titulaire de la chaire de recherche en sécurité alimentaire mondiale et durabilité du Département Environnement, ressources et durabilité de l’Université de Waterloo, et M. Ruben G. Echeverría, Conseiller principal en développement agricole à la Fondation Bill et Melinda Gates.
M. Joachim von Braum a insisté sur la nécessité de s’appuyer davantage sur la science pour comprendre les interactions complexes qui s’opèrent dans les systèmes alimentaires, en accordant davantage d’attention à la notion de risque, et précisé que les solutions devaient être adaptées au contexte local.
Mme Jennifer Clapp a exposé les principes essentiels qui devraient régir les interfaces légitimes entre science et politiques, soulignant la nécessité de valoriser la consultation, les méthodes participatives, la pluralité des visions du monde et le sens de l’indépendance.
M. Ruben Echeverría a appelé à renforcer l’innovation de façon à établir une continuité entre les actions nationales et mondiales se rapportant à la transformation des systèmes agroalimentaires, tout en préconisant d’accorder une plus grande attention à l’amélioration des plans d’investissement nationaux dans les pays du Sud.
Ce fut un grand honneur que d’entendre ces éminents scientifiques expliquer comment nous pouvons relever les défis systémiques inhérents à la transformation des systèmes agroalimentaires en concevant une panoplie diversifiée de solutions fondées sur la science. À l’avenir, le Comité scientifique consultatif fera fonction de «courtier» en données scientifiques et factuelles auprès du Pôle, en réunissant des éclairages inestimables issus de l’ensemble des disciplines scientifiques, de façon à ce que les solutions adoptées par les pays soient globales, fondées sur des faits et viables pour les populations et la planète.
Quelques réflexions pour conclure
Je tiens à exprimer ma sincère gratitude à toutes les personnes qui ont suivi cette session en ligne ou y ont participé en présentiel, ainsi qu’aux organisateurs du Forum mondial de l’alimentation de 2022 pour cette expérience éminemment positive et constructive. Je suis reparti de cette session très inspiré et avec le sentiment d’avoir beaucoup appris, et suis impatient de travailler avec l’équipe du Pôle de la FAO, les collègues du Programme alimentaire mondial, de l’Organisation mondiale de la Santé, du Fonds international de développement agricole (FIDA), du Bureau de la coordination des activités de développement (BCAD) des Nations Unies et du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), ainsi que nos partenaires, pour traduire ces réflexions en actions concrètes, à l’appui d’une transformation durable des #foodsystems [systèmes alimentaires] à même d’accélérer la réalisation des #SDGs [ODD].